Menu Close

Mmmknès : 1er Décembre 2017

Après douze heures de sommeil réparateur, un petit déjeuner est le bienvenu. Un petit tour au marché me permet de vérifier que rien n’a changé à Mmmknès. Celui-ci s’étend sur plusieurs kilomètres. Selon les rues, on peut passer d’un Emmaüs à ciel ouvert à un souk traditionnel, une galerie marchande high tech ou un marché aux légumes traditionnel. Tout est à vendre. Portables, tongs, fauteuils, hamsters, fringues, jouets en plastique, pyjamas en pilou rose a faire s’évanouir Karl Lagerfeld, pigeons, tête de chameau, légumes, batteries de portables en gros, brochettes, instruments de musique, maillots de foot Neymar, vraies fausses casquettes Louis Vuitton, henné, meubles, bobines de fil…

Chaque seconde est un déluge de couleurs, de sons, de cris et d’exotisme. J’ai beau m’efforcer de trouver tout ça anodin, je reste tout de même un touriste et l’effet Cométéguédeur (voir annexe) est toujours présent malgré que ce soit mon deuxième séjour dans cette ville. J’essaye de ne pas trop montrer mon émerveillement de peur de me faire alpaguer par tous les vendeurs. « Hey mister ! English ? Spañol ? Français ? »

On passe près du mausolée où la foule s’amasse pour féter le Mouloud. C’est une grande avenue envahie de bout en bout par la foule. C’est pour ça qu’il y avait pénurie de taxis hier. Des petits groupes de musiciens font la manche, et des femmes proposent des tatouages au henné sur les mains. Ce sont les Issawa, je n’ai pas encore bien compris ce que c’est, mais ça n’intéresse pas mon ami Abdenbi, et nous continuons notre chemin.

Un jus d’orange frais à 13 dirhams, posé au café devant la grande place et ses attractions. Cheval décoré, autruche, singes, musique trop forte, voitures électriques pour enfants, poteries, jeux en tous genres. Je préfère rester assis dans la contemplation.

A midi, Aicha a fait un tajine au requin. C’est un peu élastique comme du calamar, mais beaucoup plus goûtu. Je ne comprends les conversations à table, que par les mots français qui se glissent dans les phrases. « Bhfgkel Maradonna dpzok dzufh kfjhe penalty lkqbdh nushg coupe du monde. » Je me dis que ça doit parler de ping pong.

Après manger et après la prière on commence à jouer un peu de musique avec Abdenbi. On parle de la cosmogonie Gnaoua aussi. Il y a Mimoun le noir, le roi rouge, le roi lune bleu, le jaune, vert, marron, blanc. En tout sept esprits principaux. En dessous il y a les esprits inférieurs, inféodés à un esprit. Certains sont gentils, d’autres méchants, certains croient en Allah, d’autres sont athées, il y a même des juifs. C’est comme des hommes, sauf qu’ils ont été créés avant.

La tradition Gnaoua date de bien avant le prophète. Aujourd’hui on l’intègre dans la religion musulmane, mais selon les demandes des clients, on peut chanter seulement sur les esprits, sans évoquer Allah, ou bien s’intégrer dans la religion, ou alors chanter sans évoquer personne, et servir de décoration à la soirée. On peut emmener les gens vers la transe, ou juste les faire danser. On peut sacrifier des animaux en hommage à des esprits (le roi rouge apprécie le sang de poulet).

On décide de baser notre spectacle sur les sept couleurs, et de faire un morceau par couleur. Abdenbi m’apprend donc le morceau de Meweme Balamoussaka et celui de Koubeyni, qui sont tous les deux des esprits bleus amis du roi-lune. On attaque aussi la suite de morceaux jaunes, mais c’est un peu plus compliqué et mon esprit est déjà saturé par les morceaux bleus.

On parle du Moussem, des Ma’alem, des tentatives de fusion Gnaoua-europe qui sont généralement ratées, du festival d’Essaouira auquel on essaiera d’aller jouer, de la résidence de mai, des projets. Il y a du respect et de l’amitié. La télé passe des soap-operas turcs mal doublés. On est bien.