C’est la capacité d’émerveillement devant n’importe quel objet anodin, lorsqu’on est en voyage. « Cette cuillère est une cuillère Québécoise, elle est vraiment extraordinaire ! » alors que c’est une cuillère Ikéa parfaitement normale. C’est une sensation délicieuse, grisante, qui redonne au monde un peu de brillant. Etre étranger de nouveau, enfant nu sans connaissance ni raison. Tout est beau et nouveau, grand, enthousiasmant, merveilleux.
L’effet tire son nom de mon premier voyage au Danemark avec mon ami Olivier. En sortant du train qui nous ramenait de l’aéroport au centre ville de Copenhague, tout nous semblait merveilleusement Danois. Les lampadaires, les vélos, les gens, les noms des rues que l’on s’amuse a essayer de prononcer en Danois, les affiches. L’une d’elles, en 15×15 mètres présente un guitariste et j’essaye de lire le titre en Danois : « Cométéguédeur… Génial ! Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? » Il s’agissait en fait de la comédie musicale sur les Beatles « Come Together » …
Quelques éléments Marocains qui provoquent l’effet Cométéguédeur
Les taxis
Il y a deux sortes de taxis. Les grands, et les petits. Les petits sont extraordinairement peu chers. Pour vingt dirhams on fait le tour de la ville en tarif de nuit. Les grands taxis qui vont de ville en ville, sont à sept places, dans des voitures généralement conçues pour cinq. Trois devant, quatre derrière. On s’arrange, on se pousse, les bras vont où ils peuvent, les odeurs de déodorant des hommes envahissent la voiture, se mélangent aux odeurs de parfum des dames. Bien entendu pas question de mettre une ceinture. Pour me rassurer je me dis qu’on est tellement serrés qu’en cas d’accident on ne décollerait pas du siège…
La médina
Qui veut recevoir un tsunami sensoriel n’a qu’à aller faire un tour dans la médina de Mmmknès. Des cris d’homme dans le hammam, la fraicheur d’une ruelle couverte. Le chat qui cherche un bout de viande, l’enfant qui court, la mob qui fend la foule, les marchands de bobines de fil. Un éclair de calme et la fraicheur d’une maison dont la porte est entrebaillée. Le touriste américain qui cherche la place Lahdim, l’odeur d’une boulangerie, une tête de chameau qui pendouille, est-ce un dromadaire ? On ne peut plus compter les bosses maintenant. Le regard intense et fugace d’une jeune femme, puis soudain on est dehors et c’est le quartier des vendeurs de coussins, puis d’électroménager. La foule est trop dense, on prend une ruelle perpendiculaire. Une télé passe de la musique dans la petite échoppe multicolore qui vend des gateaux, du pain, du fromage et des piles. Un mendiant demande la Baraka. Un artisan qui tresse un fil de dix mêtres accroché sur le mur en face. Le touriste américain qui n’a toujours pas trouvé la place Lahdim. Le quartier des vendeurs de vêtements. Plus ça brille mieux c’est. Le royaume de la paillette et du pilou. Un tas de fleurs d’oranger dans une charrette. Des panneaux en Français, on doit pas être loin de la place Lahdim, il faudra que je le dise au touriste américain si je le recroise. Une place toute entière en marbre plantée d’arbres, le calme soudain, c’est le quartier des bijoutiers. Plein de gens habillés en orange. Un oiseau en cage qui inonde la rue de son chant. Un café carrelé de blanc-bleu qui diffuse le match de foot pour deux moustachus attablés. Tiens, les muezzins chantent, il doit être midi.