Reveillé au chant du muezzin de 5h 7h midi, je passe le début d’après midi tranquille à la maison à glandouiller au calme. On joue un peu de musique pour préparer le tournage de la vidéo du lendemain. A 17h nous nous rendons à l’institut Français de Mmmknes pour rencontrer le directeur et tenter d’y être programmés en concert.
L’institut Français est situé juste à la limite entre la nouvelle ville et l’ancienne. C’est l’ancienne ambassade de France, et le bâtiment a un charme suranné des années 1960-70 qui me rappelle un petit peu mon école primaire et les bureaux où mes parents travaillaient quand j’étais petit. Le directeur Alain Millot nous reçoit et nous écoute raconter notre projet avec attention. Il semble intéressé par une éventuelle programmation en septembre 2018. Cool ! Ce n’est donc pas la dernière fois que je viens au Maroc.
Le soir je retourne au moussem en taxi. Une fois sur place je me promène dans les rues bondées, à la recherche d’une lila. Malheureusement j’arrive un peu tard et tout est déjà bondé et pas moyen de rentrer. J’entends des qraqeb derrière des portes fermées, ou par les fenêtres des étages. Ceux là font leur lila privée, et on ne peut pas rentrer.
Par une fenêtre je vois une salle pleine, tout le monde est bien habillé, la porte extérieure est fermée donc c’est un événement privé. Les musiciens gnaoua sont debout, dansants, tambours et qraqebs à plein volume. Il y a un très grand récipient à encens, comme un brasero à fumée. Au milieu de tout ça un veau, un peu apeuré, un nœud rose sur la tête. Il doit ressentir du plaisir à être au centre de l’attention, mais c’est peut-être un peu trop par rapport à d’habitude, ça doit cacher quelque chose. A sa place je me méfierais. Je reçois quelques regards de la part de ceux qui sont à l’intérieur. Je pense que je gêne et m’éclipse, laissant le veau à son sort.
A travers les rues, je retombe sur une procession qui m’emmène de nouveau vers cette impasse où les gens mettent les bougies dans le mur. Je comprends que c’est Lalla Aïcha qui se trouve là. Qu’est-ce que Lalla Aïcha, me direz vous ? Selon la tradition gnaoua, il s’agit d’un esprit au même titre que Shamarosh ou sidi Mimoun, qui s’appelle Aïcha mais qui n’est pas l’esprit de la femme du prophète Mahommet. C’est quelqu’un d’autre. Elle représente la vie. Par extrapolation je pense qu’elle doit représenter la fécondité et l’amour. Une vénus musulmane en sorte. Selon la légende, un saint serait venu visiter le saint local dans son mausolée, mais ce dernier serait mort avant que son ami n’arrive jusqu’à lui. Le visiteur s’est donc arrété là où il se trouvait c’est à dire sous un figuier à trois cent mètres du mausolée, et y a déposé l’esprit qu’il portait : Lalla Aïcha. Et depuis, c’est un lieu de pélerinage. On y apporte des offrandes, on y sacrifie des animaux, on y met des bougies, on y joue de la musique.
Derrière une porte légèrement entrouverte j’aperçois des gens et du sang qui coule par terre. Ce doit être là qu’ils sacrifient les animaux à Lalla Aïcha. La porte se referme bien vite, je ne peux pas rentrer.
Je pars me promener un peu plus loin, sans trouver de gnaouas. Juste des cérémonies Aissaoua à base de raitas flutes et tambours. Là par contre c’est public, il y a beaucoup de monde sous les grandes tentes. Il y a en général une seule femme en transe/danse devant les musiciens. Les gens sourient, discutent, rigolent, c’est plus détendu que dans les lilas. Je connais moins bien cette confrérie, et je ne peux pas trop décoder ce que je vois. On m’a dit que c’était une branche du soufisme, donc ils recherchent la communion avec Dieu et l’oubli de soi par la transe. Ce n’est pas exactement comme les gnaouas qui cherchent plutôt à se désenvouter des différents esprits par la transe.
Je rentre tôt en taxi, un peu déçu de ne pas avoir trouvé de lila. Bah, c’est comme ça. Demain inc’h allah.