J’adopte avec déléctation l’habitude d’aller boire un café sur la grande place de Mmmknès avant de commencer la journée. Zakaria le serveur nous connaît maintenant. Un café avec un verre de lait à coté. On fait le concours de celui qui renversera le moins de lait en versant dans le café. Abdenbi gagne haut la main. L’habitude je suppose. Demain j’aurai le coup de main et je gagnerai.
Un cireur de chaussures me cire les pompes pour 5 dirhams. Je lui en laisse dix parce que c’est quand même pas un salaire honnète, cinq dirhams. C’est une drôle de sensation que d’être assis à boire un café, avec quelqu’un à genoux à ses pieds en train de lustrer ses chaussures. C’est presque génant. J’aurais envie de l’inviter boire un café, qu’il se relève, qu’on discute, qu’il revienne à notre niveau. Mais les choses sont comme ça, et la barrière du langage est haute et solide.
Il y a dans la foule quelques mendiants manchots, une femme atteinte d’elephantiasis à la jambe, des enfants qui vendent des paquets de mouchoirs à 2 dirhams. Il n’y a plus d’enfants qui viennent jouer la carte de la pitié pour mendier avec l’air misérable et triste à la terrasse des cafés, c’est déjà ça.
Pendant le désormais rituel tour dans le marché je m’achète une carte sim marocaine et je deviens joignable au +2126 15 57 05 37, une ceinture, du cirage noir, et prends ma dose de bruit, agitation, cris, couleurs, foule et pyjamas en pilou rose.
L’après midi nous reprenons la musique et l’étude des traditions gnaoua.
Chaque couleur est associée à un jour de la semaine, un corps céleste, et à un esprit.
- Le lundi : Bleu, la Lune.
- Entre lundi et mardi il y a la reine Malika dont la couleur est le violet.
- Le mardi : Rouge, mars, l’esprit rouge s’appelle le roi rouge. Est-il marié à Malika ?
- Mercredi : Vert,
- Jeudi : Marron. C’est la couleur des gens de la forêt.
- Vendredi : Blanc,
- Samedi : Noir, l’esprit noir s’appelle Mimoun.
- Dimanche : Jaune
- Enfin El Bouheli, c’est le vagabond. Il porte les sept couleurs.
Le gris, c’est la couleur de toutes les couleurs mélangées, c’est la fusion et la rencontre. Nous avons décidé d’inclure cette couleur dans notre spectacle, avec un morceau qui sera un peu plus personnel. Peut-être une composition, ou juste une manière de jouer différente, moins traditionnelle.
Pour celles et ceux qui ne savent pas quoi choisir comme vêtements le matin, vous pouvez vous habiller avec la couleur du jour, associée à celle de la veille ou du lendemain. Par exemple le lundi, habillez vous en bleu du lundi et jaune du dimanche, avec pourquoi pas une touche de rouge du mardi. Evitez à tous prix le vert du mercredi et le marron du jeudi, ça n’ira pas avec le bleu du lundi.
Un peu plus tard, en manque d’inspiration, j’essaye de jouer du Swiss’n, une sorte d’hybride entre le guembri et la mandoline, mais sans grand succès. Quelques minutes plus tard par un immense hasard, un grand joueur de swiss’n vient frapper à la porte pour discuter d’éventuellement inviter Abdenbi dans un festival de Malhoun, et nous boeuffons gaiement Abdenbi, le gars, Krimo au Djembé et moi. Demain j’essaierai de me déguiser en riche producteur, on verra si il y en a un qui vient frapper à la porte !
Nous continuons la musique après son départ, mais j’ai la tête farcie et je ne calcule plus rien quand Abdenbi me montre la musique de l’esprit rouge. Je le laisse à sa méditation musicale, et file me coucher. J’ai hâte d’aller au moussem à partir de lundi, la vie domestique monotone commence déjà à me peser.